L’Espérance est championne de Tunisie pour la trentième fois. «Et après ?» ou plutôt «et alors ?» diront ses fans qui ne sont plus sensibles qu’à la dimension internationale (Ligue des champion, Coupe arabe, Coupe du monde…). C’est sur ce plan que le club «sang et or» va s’atteler.
Dans la vie, les moments de joie et de triomphe sont vite consommés et «rangés» dans les tiroirs des événements et de la mémoire.
Et rapidement, on revient sur terre après avoir été sur un nuage. On tourne la page sans jamais oublier et on lorgne déjà une autre prouesse pour une nouvelle joie, voire une euphorie beaucoup plus importante.
C’est exactement le cas de l’Espérance Sportive de Tunis qui accumule les gloires et offre toujours d’inoubliables moments de félicité et d’extase à ses fans qui en redemandent encore et encore.
Tout un chacun sait que les réussites du club de Bab Souika à l’échelle locale sont devenues une obligation de résultats pour les joueurs et les responsables. Presque une routine qui n’enchante plus démesurément comme jadis, quand l’adversité était souvent de mise avec les autres grands clubs tunisiens (CA, ESS, CSS en particulier).
Dangereuse absence de rivalité
Avant, pour fêter un titre national, les supporters de l’Espérance sortaient massivement pour prendre d’assaut le quartier de Bab Souika et pour festoyer jusqu’au petit matin.
Aujourd’hui, seul un titre continental (ou arabe) pourrait encore enflammer la foule et la motiver pour une telle réaction.
Cela s’explique, comme tout le monde le sait, par le décalage de niveau devenu manifeste entre l’Espérance et les autres. D’ailleurs, dès la quatrième ou la cinquième journée du championnat, l’échappée des «Sang et Or» dessine déjà devant une ahurissante et précoce abdication des autres concurrents. Et du coup, l’Espérance se trouve sur le chemin d’un cavalier seul sans résistance. A qui profite cette nouvelle «fatalité» à laquelle se résignent tous les rivaux de l’EST ? A personne bien évidemment. Elle n’est profitable, ni à l’Espérance qui n’est plus obligée de suer comme il le faut, ni aux autres qui perdent l’amour de leurs supporters d’une saison à l’autre. Cela dit, l’impact d’une telle situation sur le niveau du championnat est sans appel. Dans d’autres pays africains, comme l’Egypte ou le Maroc, ce phénomène négatif n’existe pas. L’opposition farouche entre au moins deux ou trois clubs est toujours de rigueur. Ce qui contribue énormément à l’aguerrissement optimal des postulants à la consécration locale et à leur perfectionnement au niveau africain. Là, il n’y a pas meilleure preuve que l’arrivée en demi-finales de la Ligue des champions des quatre meilleurs clubs égyptiens et marocains (Al-Ahly, Ezzamalek, le Raja et le WAC).
Dans ce même ordre d’idées, il ne faut pas oublier l’autre décalage de niveau entre Ezzamalek et l’Espérance, constaté avec convictions lors des trois dernières rencontres disputées entre ces deux équipes.
Bien évidemment, l’impact négatif de l’absence de rivalité dans notre compétition ne va pas se limiter aux représentants de notre football aux compétitions africaines (et arabe), mais il touchera notre équipe nationale à long terme.
De ce fait, il est grand temps de se pencher sur l’amélioration concrète de la gestion (surtout financière) de nos autres grands clubs afin de doper au mieux le niveau de notre football en général.
Mettre le paquet sur le recrutement
Du coup que reste-t-il à faire pour l’Espérance afin de sortir indemne de cette situation indépendante de sa volonté et à laquelle il n’y a pas trente-six mille solutions? Le fait que l’Espérance se soit emparée de la couronne africaine par deux fois consécutives (2018 et 2019), dans de telles conditions, relève déjà du miracle.
Mais s’agit-il vraiment d’un miracle? Aucunement bien sûr! Sinon ce serait trop sous-estimer les efforts et les sacrifices effectués par les responsables et les joueurs qui se sont surpassés pour braver toutes les difficultés qui s’étaient dressées sur leur long et pénible chemin. Certes, la chance a été leur «complice» par moments, mais la détermination et le mérite du club de Bab Souika à s’imposer devant les redoutables mastodantes de l’Afrique sont à applaudir.
Seulement, il ne sera plus facile de rééditer ces historiques prouesses continentales (et arabe) sans changer certaines choses, car les conditions de réussite ne sont plus toutes réunies pour faire vibrer les supporters, comme en 2018 et 2019. Youssef Blaïli, Aymen Ben Mohamed, Frank Kom et Anice Badri ne sont plus là. D’ailleurs, c’est juste après le départ de ces grands joueurs que l’Espérance s’était laissée «malmener» par Ezzamalek de Patrice Carteron.
Qu’est-ce à dire? Eh bien pour avoir l’aspect d’un colosse en Afrique, il faut avoir une pléïade de joueurs valeureux qui soient capables de relever le défi à nouveau.
Sur ce point, Hamdi Meddeb, le président du club, ne s’endort pas sur ses lauriers. Il fait toujours l’impossible pour recruter les meilleurs joueurs. On peut même dire que ses coups de filet ne s’arrêtent pas. Après avoir engagé Hamdi Naguez, Ghaïlane, Chaâlali et Alaâ Marzouki, il reste encore à la quête du vrai oiseau rar : un bon régisseur capable d’orchestrer les assauts conquérants de sa nouvelle équipe.
Aussi faudra-t-il penser à un grand entraîneur à la dimension de l’Espérance. Mouïne, Chaâbani est un entraîneur qui a un bel avenir devant lui, mais avec l’Espérance, toute sa stratégie de jeu est devenue dévoilée, au point où il ne bénéficie plus de l’effet de surprise.
De plus, l’Afrique est une vraie jungle qui nécessite un entraîneur «prédateur» qui a plus d’un tour dans son sac. L’heure est à la grande expérience. Il ne faut pas badiner avec cela.